Gare au licenciement verbal !
Auteur : Maître Audrey NIGON
Publié le :
02/02/2023
02
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2023
Annoncer à un salarié qu’il va être licencié et lui demander de ne plus venir travailler peut constituer un licenciement abusif.
Pour autant, le formalisme du courrier recommandé ne s’accommode pas toujours avec les réalités de la vie de l’entreprise.
L’employeur doit utiliser la voie du courrier recommandé pour notifier le licenciement à un salarié (article L.1232-6 du Code du travail).
La jurisprudence de la Cour de cassation se montre toutefois moins exigeante que la lettre du texte du Code du travail et a notamment admis une remise en main propre de la lettre de licenciement. (Cass. soc., 16 juin 2009, n°08-40.722) ou une remise par huissier de justice (Cass. soc., 6 mai 2009, n°08-40.395).
Le recommandé électronique, peu utilisé, est également possible dès lors que le salarié donne préalablement son consentement pour recevoir un tel courrier dématérialisé.
Pour autant, malgré cet assouplissement, le formalisme est de rigueur et pour des raisons évidentes de preuve nous ne pouvons que vous conseiller de notifier le licenciement par courrier recommandé.
Ce formalisme peut toutefois soulever des problèmes pratiques liés notamment aux délais de distribution postale.
C’est pourquoi, nous sommes très souvent interrogés sur la possibilité d’informer oralement le salarié de la décision de licenciement, en parallèle de l’envoi du courrier recommandé.
Le licenciement annoncé oralement, par exemple, au cours de l’entretien préalable, est prohibé et l’employeur s’exposerait à un licenciement abusif. Il a d’ailleurs été jugé que le licenciement verbal ne pouvait pas être régularisé a posteriori par la mise en œuvre d’une procédure de licenciement (Cass. soc., 10 janv. 2017, n° 15-13.007).
Dans un arrêt du 28 septembre 2022, la Cour de cassation a rappelé, au visa de l’article L.1232-6 du Code du travail, l’importance de la chronologie des faits (Cass. Soc. 28 septembre 2022 n°21-15.606).
En l’espèce, le salarié avait été avisé oralement au téléphone en fin d’après-midi de la rupture de son contrat de travail alors que sa lettre de licenciement n’avait pas été présentée à son domicile.
La Cour d’appel de Grenoble avait donné raison au salarié et avait jugé que le licenciement était verbal condamnant ainsi l’employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur expliquait que la lettre de notification avait nécessairement été expédiée avant l’annonce verbale indiquant de ne pas se rendre au travail le lendemain : le licenciement ne pouvait donc pas être qualifié de verbal.
La Cour de cassation a ici validé cette position, en censurant les juges d’appel qui n’avaient pas recherché si la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture du contrat de travail n’avait pas été expédiée au salarié avant la conversation téléphonique, de sorte que l’employeur avait déjà irrévocablement manifesté sa volonté d’y mettre fin.
Les juges du fond auraient donc dû comparer l’heure de dépôt du courrier et celui de réception de l’appel téléphonique avant de conclure à un licenciement verbal.
En pratique, à quel moment pouvez-vous annoncer au salarié qu’il va être licencié et lui demander de ne plus venir travailler ou de quitter l’entreprise ?
- En cas de licenciement pour faute grave, comme c’était le cas dans cet arrêt, vous pouvez lui annoncer dès l’envoi de la lettre de licenciement car la rupture effective du contrat de travail intervient à la date d’envoi du courrier de licenciement.
- En cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse, il convient d’attendre que la lettre de licenciement soit présentée au domicile du salarié pour lui annoncer qu’il est en dispense de préavis et lui demander de ne plus venir travailler ou de quitter l’entreprise.
Article rédigé par Maître Audrey NIGON, Avocat Associé
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