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Avoir ou ne pas avoir le pouvoir de signer et agir ?

Avoir ou ne pas avoir le pouvoir de signer et agir ?

Auteur : Maître Philippe de LA BROSSE
Publié le : 13/06/2024 13 juin juin 06 2024

Dans toute entreprise d’une certaine taille et a fortiori dans les groupes, le chef d’entreprise ou le représentant légal n’ont ni le loisir, en termes d’emploi du temps, ni le souhait, en termes de management, d’être signataire de tous les actes, accords, courriers, demandes…

Il est donc nécessaire et légitime de recourir à la délégation, non au sens de la délégation de pouvoirs pénale mais au sens de la délégation de responsabilités et de signature.

Cette délégation a deux objets :
 
  • assurer le signataire, dans ses rapports avec son employeur/mandant, qu’il a le droit d’engager l’entreprise
  • garantir la validité de l’acte

C’est de ce second aspect qu’il est question ici.
Les sociétés et groupes sont pris entre deux tendances ou impératifs :
 
  • ne pas risquer l’invalidité
  • ne pas tomber dans le travers du recours systématique à un écrit avec les lourdeurs qu’il engendre

La jurisprudence est malheureusement incertaine, parfois rigide, parfois souple comme l’illustrent deux arrêts récents du Conseil d’Etat du 3 avril 2024.

Soyons clairs :
 
  • il n’existe aucune règle précise en la matière
  • le droit français étant très pragmatique, le juge pourra valider un acte accompli / un document signé par une personne qui ne disposait pas de pouvoir écrit, ou les invalider alors même qu’elle avait ce pouvoir écrit…et réciproquement !

Prenons quelques exemples au fil de l’histoire et de la vie de l’entreprise :
 
  • Le DRH d’une société peut procéder au licenciement des salariés des filiales (Cass. soc. 15-12-2011 n° 10-21.926) … sans pouvoir écrit (Cass. soc. 11-3-2020 n° 18-25.999) … mais non de ceux d’une société soeur Cass. soc. 20-10-2021 n° 20-11485).

Ce dernier arrêt a fait beaucoup de bruit, à tort semble-t-il, si on examine sa motivation :

« Ayant relevé qu'il n'était pas démontré que la gestion des ressources humaines de la société Bodin Joyeux relevait des fonctions de la directrice des ressources humaines de la société Manufactures de mode, ni que cette dernière exerçait un pouvoir sur la direction de la société Bodin Joyeux, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la lettre de licenciement avait été signée par une personne étrangère à l'entreprise qui ne pouvait recevoir délégation de pouvoir pour procéder au licenciement… »

La cour n’énonce donc pas un principe mais relève des éléments de faits, propres à l’espèce, montrant l’absence de pouvoir du signataire.
 
  • La signature du délégué syndical engage le syndicat, sans nécessité d’un pouvoir ou mandat spécial (Cass. soc. 19-2-1992 n° 90-10.896 P :  RJS 4/92 n° 472)…

…mais l’accord signé est nul si le syndicat n’a pas fait la démonstration de sa représentativité, notamment via la publication de ses comptes (CE, 06 avril 2022, 444460
 
  • Le président, gérant, DG d’une structure a en général le pouvoir de tout signer…

…mais les règles particulières des statuts doivent être respectées, ainsi lorsque le licenciement de certains personnels est réservé au Conseil d’Administration (Cass. soc. 23-11-2022 n° 21-12.873).

Cela est particulièrement vrai dans les associations.

Au-delà de ces sujets formels, la « compétence » de fond du mandataire peut aussi être discutée :
 
  • la cour de cassation vérifie que le mandataire a qualité, au regard de sa « délégation très large de pouvoirs », à licencier les salariés placés sous son autorité (Cass. soc. 13-5-2009 n° 08-40.196)
 
  • pour la présidence du CSE, le mandataire doit avoir « la qualité et le pouvoir nécessaires à l'information et à la consultation de l'institution représentative du personnel, de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de celle-ci, peu important que le délégataire soit mis à disposition de l'employeur par une autre entreprise » (Cass. soc. 25-11-2020 n° 19-18.681)

Le sujet se trouve encore compliqué par la « ratification », objet des 2 arrêts du 3 avril 2024. La question n’est pas nouvelle puisque la ratification a déjà été admise en matière de licenciement (Cass. soc. 13-3-2013 n° 11-23.761).

Les arrêts du 3 avril 2024 en donnent deux nouveaux exemples en des matières pourtant sensibles :
 
  • la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, formée par une personne qui n’en avait pas le pouvoir, peut être régularisée jusqu’à la décision de l’inspection du travail (CE, 3-4-2024 n° 470440)
 
  • l'accord majoritaire, dans le cadre d’un PSE, signé par un dirigeant qui n'en a pas le pouvoir peut de la même façon être régularisé (CE, 3-4-2024 n° 465582)

Difficile donc, dans ce cadre incertain, de concilier les impératifs de sécurité et d’agilité. Il est déjà important d’être averti des interrogations, ce qui augmente fortement les chances de chercher et trouver les solutions adaptées, dont on sait qu’elles varient aussi en fonction de chaque situation.

C’est le but de nos « rendez-vous du jeudi » que de vous aider à identifier les points d’attention dans votre pratique quotidienne.


Article rédigé par Maître Philippe de LA BROSSE , Avocat Associé
 

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