Guerre en Ukraine et droit des contrats
Publié le :
05/01/2023
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La guerre en Ukraine, qui est avant tout une calamité qui s’abat sur sa population, génère des conséquences économiques pour de nombreux pays et des interrogations quant à son impact sur les contrats.
Incidences sur les contrats
Ces impacts sont, schématiquement, de deux types :Directs : lorsqu’ils résultent des sanctions de l’Union Européenne à l’encontre de la Russie.
Depuis 2014 et le début de la guerre en Ukraine, l’Union Européenne soumet la Russie à des sanctions.
Ces sanctions se sont durcies depuis l’invasion militaire russe du 24 février 2022.
Ainsi plusieurs « trains » de sanctions économiques ont été adoptés à l’encontre de la Russie par l’UE en réaction à l’invasion de l’Ukraine.
(voir infographie https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/eu-sanctions-russia-ukraine-invasion/).
Ces sanctions se traduisent notamment par l’interdiction d’exporter ou d’importer certains biens en provenance ou à destination de la Russie ou des restrictions sur les investissements liés à certains secteurs économiques et projets d’infrastructures.
Indirects : en ce sens qu’ils peuvent concerner des contrats périphériques (financement, assurance, maintenance, transport) ou générer des difficultés d’approvisionnement, une hausse considérable du coût de production ou d’approvisionnement du fait de la hausse du coût de certaines matières premières et de la crise énergétique.
Qu’elles soient directes ou indirectes, les incidences de la guerre en Ukraine peuvent donc complexifier ou empêcher l’exécution des obligations imposées à un opérateur français.
Moyens de protection
Le Règlement UE n°833/2014 protège les opérateurs contre toute demande d’indemnisation ou de garantie « à l'occasion de tout contrat ou toute opération dont l'exécution a été affectée, directement ou indirectement, en tout ou en partie, par les mesures instituées en vertu du présent règlement » formulée par des personnes ou établissements russes ou avec lesquels le Règlement interdit toute transaction.En revanche, dans le cadre de ses relations avec les acquéreurs ou donneurs d’ordres qui attendent l'exécution d'une obligation entravée par les incidences de la guerre, l’opérateur français doit pouvoir se prémunir contre une inexécution fautive du contrat.
Cas de force majeure ?
A l’instar de la crise sanitaire, la guerre en Ukraine ne peut être invoquée comme un cas de force majeure sans appréciation, in concreto, de ses conséquences sur l’exécution du contrat.Pour mémoire, sauf aménagement contractuel qu’il convient de vérifier, le cas de force majeure est défini comme suit :
- un évènement échappant au contrôle du débiteur ;
- qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat ;
- dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées ;
- et qui empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Aussi, pour les contrats visés par le périmètre des sanctions précitées, « l’empêchement » semble justifié.
Concernant les autres conditions à respecter, à savoir notamment l’absence de prévisibilité, lors de la conclusion du contrat, de l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, l’on doit pouvoir considérer quelles seront établies pour les contrats conclus avant le 24 février 2022.
S’agissant, en revanche, des entreprises dont les contrats n’incluent pas le périmètre des sanctions, la force majeure ne pourra être invoquée que si l’exécution de l’obligation est réellement empêchée.
Si la force majeure ne peut être invoquée, les entreprises devront donc se tourner vers d’autres mécanismes du droit français.
Imprévision ?
Toujours dans l’hypothèse d’une absence de clause du contrat l’aménageant ou l’excluant, ce mécanisme, prévu par l’article 1195 du Code civil, permet de demander une renégociation du contrat en cas de changement de circonstances, imprévisibles lors de la conclusion du contrat, rendant l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque.Le juge peut adapter le contrat ou y mettre un terme en cas d’échec des négociations.
Le seuil d’onérosité n’est toutefois pas défini concernant les contrats privés.
L’on peut certes être tenté de s’inspirer du seuil de bouleversement économique de « 1/15 du montant initial HT du marché ou de la tranche » retenu par la circulaire du Premier Ministre « relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières » du 30 mars 2022.
Par ailleurs, l’imprévision ne pourra être envisagée que sous réserve que les contrats ont été conclus postérieurement à la réforme du droit des contrats de 2016 dont elle est issue.
Enfin, si les négociations ne sont pas utiles, le juge tranchera.
En considération de l’urgence de certaines situations, une procédure à bref délai pourra être envisagée.
Il conviendra alors de définir la demande : réviser le contrat ou y mettre un terme.
En conséquence, la mise en œuvre de ce mécanisme n’est pas sans aléas, sans même évoquer l’hypothèse des contrats conclus postérieurement au 24 février 2022 et pour lesquels l’exigence de circonstances « imprévisibles » pourrait être malmenée.
Aménagement du contrat
Dès lors que nous sommes, sans aucun doute, désormais tous convaincus que « tout peut arriver », l’aménagement contractuel de la force majeure ou de l’imprévision paraît indispensable pour la protection des opérateurs qui peuvent être concernés par les fluctuations du « coût d’exécution de leur obligation ».Quelques pistes de réflexion :
définir contractuellement les hypothèses de force majeure et d’imprévision ;
- assouplir les conditions de recours à ces notions ;
- intégrer des seuils d’onérosité ;
- encadrer la renégociation (délais, expertise, recours à l’arbitrage, etc…).
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