Suspension de permis, retrait d’habilitation administrative, non renouvellement d’une autorisation de travail… : Comment gérer l’impossibilité pour le salarié d’exécuter son travail ?
L’on connait les situations courantes de suspension pour cause de maladie ou en cas de survenance d’une inaptitude médicale totale et définitive, mais il arrive fréquemment que les employeurs se retrouvent confrontés à d’autres situations empêchant le salarié d’exercer leurs fonctions.
Si le constat semble évident à savoir que le salarié ne peut pas exécuter son contrat, les mesures à prendre ne sont pas si claires : concrètement, le licenciement immédiat n’est pas automatique contrairement à ce que le bon sens pourrait laisser croire.
De quelles situations parle-t-on ?
Il peut s’agir de différents cas de figure tels que :
- La suspension ou le retrait de permis d’un salarié, alors que ses fonctions exigent la conduite d’un véhicule (commercial itinérant, technicien itinérant, chauffeur poids lourds,…) ;
- Le retrait d’une habilitation administrative (par exemple, autorisation d’accès à la zone sécurisée, agrément) alors que le salarié a impérativement besoin de celle-ci pour exercer ses fonctions (travail sur un aéroport, assistante maternelle, …) ;
- Le non renouvellement d’une autorisation de travail d’un salarié, alors que ce dernier travaille régulièrement au sein de la société depuis des mois.
Comment réagir ?
Plusieurs questions sont à se poser afin de prendre la bonne décision. L’analyse doit en outre être faite rapidement dans la mesure où le salarié doit sans délai cesser ses activités habituelles.
1. S’interroger sur le caractère disciplinaire ou non ?
Les situations présentées n’ont pas en soi un caractère disciplinaire surtout qu’elles résultent de faits tirés de la vie privée du salarié. En revanche, les circonstances dans lesquelles le salarié s’est vu suspendre son permis ou retirer son habilitation peuvent dans certains cas constituer une faute du salarié pouvant donner lieu à un licenciement disciplinaire.
Notamment, il convient de vérifier si des manquements ont pu être commis pendant l’exercice de ses fonctions, ou encore si le salarié a manqué à une obligation découlant de son contrat.
Exemples : conduite en état d’ébriété pendant son temps de travail, utilisation du véhicule de service un week-end au mépris des règles en vigueur, retrait d’habilitation suite à des violences commis pendant l’exercice de ses fonctions, dissimulation voire mensonges…
2. Vérifier l’impossibilité ou non de maintenir le contrat
La Cour de cassation considère qu’il n’existe aucune obligation, sauf dispositions légales ou conventionnelles expresses, de tenter une obligation de reclassement préalable (Cass. Soc. 28 novembre 2018 n°17-13.199).
Pour autant, en pratique, la vigilance est de mise :
- D’une part, parce que les dispositions conventionnelles exigeant une tentative de reclassement préalable ne sont pas rares, comme dans le transport routier ;
- D’autre part, parce que l’employeur devra justifier d’une impossibilité de maintenir le contrat qui en pratique, devant les juridictions, va au-delà du simple fait de ne pas détenir ledit document. Il est notamment avancé devant les juridictions le fait que :
- l’impossibilité n’est parfois que temporaire comme dans le cas d’une suspension de permis de 2 mois ;
- Le salarié peut parfois exercer ses fonctions sur un autre site ne nécessitant pas d’habilitation.
Concrètement, l’impossibilité de maintenir le contrat pourra être établie :
- Si le salarié avait effectivement l’obligation de détenir ledit document : cela semble évident mais notre expérience nous montre que certains contrats sont lacunaires sur ce point, ou encore que cette détention n’a pas été vérifiée à l’embauche… ;
- Si le salarié ne peut effectivement pas exercer ses fonctions au sein de l’entreprise : il apparaît fréquemment dans les dossiers que le salarié, ou ses homologues, ont pu accomplir des tâches en sus ou été repositionnés temporairement (par exemple pendant un temps partiel thérapeutique), ne nécessitant pas de détenir l’habilitation ;
- S’il y a un trouble objectif.
A noter qu’il en va différemment pour le non renouvellement d’une autorisation de travail ; en effet, il est exigé une cessation immédiate de toute prestation de travail puisqu’il n’est plus question de fonctions mais de statut de travailleur.
De même, il convient de garder à l’esprit que le salarié peut de son coté contester la mesure de suspension ou retrait. Si la décision est annulée, le licenciement serait alors de fait sans cause réelle et sérieuse.
Enfin, le dossier se complexifie lorsque le salarié est sous CDD ou bénéficie d’une protection.
Contrairement aux apparences, ces cas de figure ne rentrent pas ipso facto dans l’un des cas de ruptures anticipées du CDD, et notamment ne caractérisent pas un cas de force majeure.
De la même manière, comme indiqué, la faute grave n’est pas automatique pas plus que l’impossibilité de maintenir le contrat.
3. Et suspendre le contrat ?
Aussi, dans certains cas, il peut être préférable de suspendre provisoire le contrat dans l’attente du caractère définitif de la décision.
En toutes hypothèses, l’employeur n’a pas à lui assurer un maintien de salaire : le salarié ne peut plus exercer la prestation de son fait.
En pratique, selon la durée de la suspension, le salarié peut décider de solder ses congés, ses RTT.
En conclusion, le licenciement n’est pas automatique, pas une obligation mais une solution possible.
Parallèlement, ces situations répondent à une autre obligation impérative que de faire cesser immédiatement toute prestation à peine parfois de sanctions pénales.
Nous ne pouvons qu’appeler à une particulière attention lorsque surviennent ces dossiers.
Le Cabinet est à votre disposition pour vous accompagner.
Article rédigé par Maître Olivia MONTMETERME, Avocat Associé
Historique
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