L'avocat sous la robe
L’avocat est le plus souvent illustré en robe et en situation d’audience.
Tel n’est pas concrètement le quotidien de l’exercice moderne.
D’abord car l’avocature c’est désormais mille métiers.
Ensuite car ces mille métiers embrassent mille activités parfois bien éloignées de la vie judiciaire.
A cet égard, l’exercice professionnel a fondamentalement changé depuis une trentaine d’années, notamment par l’effet de la fusion des professions d’avocat et de conseil juridique.
Pour les avocats dits « de souche », c’est-à-dire ceux qui plaident, le quotidien néanmoins demeure, la notabilité en moins.
La journée commence plutôt matinalement.
Même si la veille le bureau a été « nettoyé », l’avocat, notamment s’il est travailleur indépendant, doit vérifier et assurer les conditions matérielles du fonctionnement de son cabinet, du plus simple – les conditions d’accueil du personnel administratif et des clients – au plus compliqué, car il n’est pas forcément maitrisé – l’outil informatique nécessaire aux communications électroniques avec les clients et contradicteurs et à la mise en état électronique des procédures -.
Vient ensuite le temps du courrier : même si les correspondances postales sont désormais supplantées par les courriers électroniques, il convient d’y répondre aussi promptement.
C’est en effet à l’avocat de tenir son client informé de l’état de la procédure et non au client de s’en enquérir.
C’est là le corollaire de l’obligation qu’a l’avocat d’assurer à son client, avant de gagner le procès, le bon état de la procédure.
Et cela permet, au surplus, d’avoir un dossier bien tenu.
Si la bonne tenue d’un dossier ne garantit pas de gagner un procès, du moins elle participe à ne pas le perdre.
L’heure habituelle de bureau approchant, l’on rentre dans la phase visible de l’exercice professionnel.
Café aidant – comme tout un chacun -, la première affaire à plaider est usuellement appelée en juridiction à 9 heures.
L’avocat aura à parfaitement la maitriser et y aura préalablement consacré le temps nécessaire.
Quand on plaide, on doit avoir les idées claires.
Et pour avoir les idées claires, l’hygiène de vie s’impose.
Une ascèse relative, à cet égard, convient la veille sans doute mieux qu’un « diner en ville ».
Cela étant, l’on peut trouver, même dans la modération, du réconfort culinaire.
Quoi qu’il en soit, l’important est d’être frais le matin.
Une fois l’affaire du matin plaidée, d’aucuns imaginent l’avocat à table entre 12 heures et 14 heures, à tort.
D’abord, car il faut être aussi frais l’après-midi que le matin.
Ensuite, car l’affaire à plaider l’après-midi provoquera assez souvent un déplacement imposant de « mettre du carburant » tant dans le véhicule que dans l’avocat.
Et le « carburant » mis dans l’avocat sera le plus souvent, moyennant l’arrêt à une station-service, une salade ou un plat préparé.
Contrairement aux idées reçues, on finit par y prendre goût, en dépassant les canons de la gastronomie, a fortiori si le dossier à plaider déjà bien en tête, on agrémente ce temps d’une lecture de l’Equipe, surtout si l’on y trouve un bon papier sur l’Olympique Lyonnais.
L’après-midi, on plaidera le dossier comme le matin, c’est-à-dire en pleine forme physique et au mieux des intérêts du client.
On y prendra d’ailleurs du plaisir, au surplus si l’impression d’audience est bonne et, formellement, en fonction du bon accueil le cas échéant réservé par les magistrats et greffiers de la juridiction.
Mais cela n’empêchera parfois pas – car on n’est jamais trop exigeant avec soi-même -, de « refaire la plaidoirie » sur la route du retour en replaidant le dossier dans sa voiture, puis en se disant au bout d’un moment : « grave, je plaide tout seul ».
Mais si j’étais justiciable, je serais rassuré d’avoir un avocat soucieux et consciencieux à ce point.
S’il n’est trop tard, on rentrera au cabinet à 17 heures / 18 heures et là, le troisième temps de la journée commence.
Il faut d’abord, rendre compte des audiences du jour, car il n’est pas question d’attendre que les clients appellent pour savoir comment elles se sont déroulées.
Puis il y a lieu, régulièrement, d’assurer le rendez-vous présentiel ou téléphonique de travail nécessaire à la défense d’un dossier ultérieur, à l’occasion duquel le client exposera sa vision et l’avocat définira la ligne de défense et listera les pièces qui y sont nécessaires, tout cela étant ensuite « mis en musique » par voie de conclusions régulièrement communiquées et/ou notifiées.
Les impondérables seront réservés à la quatrième partie de la journée, qui peut se terminer au-delà de l’heure de fermeture du bureau.
Mais l’avocat, à l’instar du confesseur, ne peut pas laisser son client sans écoute ni réponse.
Et même sortant un peu tard du cabinet, il ne sera pas interdit de sauter dans ses baskets pour un footing réparateur d’une demi-heure, avant un bon repas et une bonne nuit.
Le profane pourra estimer que le vendredi soir venu est un temps de soulagement.
Mais le samedi matin sera de temps en temps consacré à finir de « nettoyer » le bureau et la semaine.
On entend déjà les faiseurs de bonheur critiquer qu’on puisse travailler le week-end, mais l’intérêt du client vaut bien de ne pas sacrifier à l’air du temps, et il n’est pas interdit de trouver du plaisir dans le travail, a fortiori dans la quiétude d’un samedi.
Un fois cela fait, la suite du week-end n’en sera d’ailleurs que plus légère et agréable, parfois même festive, voire euphorique en cas de victoire de l’Olympique Lyonnais lors de la journée de Ligue 1.
Malgré cela, le lundi à 9h30, le bureau et l’ordinateur se retrouveront déjà suffisamment pourvus pour attaquer la semaine comme celle précédente.
A n’en point douter, d’aucuns grogneront à l’évocation de cette semaine passée de l’avocat plaidant.
Et la semaine ne se limite pas à 5 jours, car être avocat, ce n’est pas un métier, mais un état, et l’on est toujours tenu par ses devoirs et règles professionnels, en situation d’exercice ou en situation privée.
Mais l’avocat est celui qui, pour l’essentiel, peut tout dire, notamment en audience, sans crainte.
Et cette liberté majeure est la garantie de celle du justiciable dont il assure la défense.
Le temps de l’avocat plaidant est principalement fonction de l’exercice de cette liberté, qui est son devoir.
L’exercice de cette liberté mérite bien, sous la robe, la vie un peu décalée de l’avocat plaidant.
Qu’on se rassure, on profite aussi des plaisirs de la vie, l’esprit en plus et toujours avec humour.
A destination des plus jeunes confrères et de ceux à venir, on n’éprouvera jamais aucun ennui, mais on fera des rencontres d’exception, on connaitra de l’émulation intellectuelle, de grandes joies et de grandes désillusions, de l’engagement, bref une vie des plus exaltantes.
Christophe BIDAL
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