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Les faux-semblants à l'épreuve des principes directeurs du procès civil

Les faux-semblants à l'épreuve des principes directeurs du procès civil

Auteur : Me Yann BOISADAM
Publié le : 06/04/2023 06 avril avr. 04 2023

Depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail, ayant institué le barème dit « Macron » plafonnant les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les procès fondés sur une discrimination et/ou un harcèlement moral font florès.

S’il fallait y voir une relation de cause à effet, rappelons que l’article L. 1235-3-1 du code du travail exclut l’application de ce barème lorsqu’il est jugé que le licenciement est entaché de l’une des causes de nullité légalement admises, parmi lesquelles figurent notamment les cas de discrimination et/ou de harcèlement.

A l’occasion de ces procès, bon nombre de salariés affirment avoir été en « burnout », « surchargés » de travail, « stressés », « épuisés moralement » … Derrière ces mots se cache, réalité, une diversité de situations, conduisant à séparer le bon grain de l’ivraie.

A cette fin, les avocats et les magistrats disposent d’un outil puissant que sont les principes directeurs du procès civil. Enoncés aux articles 1er et suivants du code de procédure civile, ils « consacrent l’adage Da mihi factum, dabo tibi jus (« donne-moi les faits, je te donnerai le droit ») » [1].

Selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, « à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder » et « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Sous réserve d’aménagements ici et là prévus par la loi ou la jurisprudence, c’est normalement au salarié, demandeur à l’instance, de supporter la charge d’établir la réalité des faits qu’il allègue à l’appui de sa prétention. Sa « parole », parce qu’elle peut « cacher sa pensée » [2], ne saurait suffire.

Reprenons alors quelques-uns de ces mots qui « circulent » à l’occasion de litiges prud’homaux [3].

La « surcharge de travail » est, en soi, imprécise dès lors que la « charge de travail » n’est pas définie par la loi.
Selon l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, elle recouvrirait trois dimensions : (i) la « charge prescrite » (tout ce qu’il est demandé de faire), (ii) la « charge réelle » (tout ce qui est réellement effectué) et (iii) la « charge vécue » (la représentation subjective que le salarié se fait de son activité professionnelle).

La preuve d’une « surcharge de travail » peut être apportée par des dépassements des durées maximales de travail, la privation du repos hebdomadaire, le cumul de tâches, la fixation d’objectifs irréalistes, l’accomplissement d’heures supplémentaires ou encore des pressions exercées pour accomplir les missions confiées.

A défaut, l’évocation d’une « surcharge de travail » demeurera au stade de la simple allégation et cette « incapacité du demandeur à rapporter la preuve de son allégation [devrait] absoudre [l’employeur] » [4].

Le burnout, dont l’équivalent en français est le syndrome d’épuisement professionnel, est un « processus de dégradation du rapport subjectif au travail à travers trois dimensions : l’épuisement émotionnel, le cynisme vis-à-vis du travail ou dépersonnalisation (déshumanisation, indifférence), la diminution de l’accomplissement personnel au travail ou réduction de l’efficacité professionnelle » [5].

Il est un « ensemble syndromique [nécessitant] une démarche diagnostique » et doit pouvoir être « repéré » [6] par le médecin traitant et, le cas échéant, le médecin du travail, les deux pouvant être en relation.

La « preuve » de ce burnout peut être apportée par des éléments de nature médicale, aucun autre ne pouvant s’y substituer et probablement pas la seule « parole » du salarié.

Soyons donc tous prudents dès lors qu’aujourd’hui les maladies dont les salariés se déclarent être atteints peuvent parfois davantage relever de « l’étiquette psychopathologique par excellence que l’on se colle à soi-même après un rapide autodiagnostic » [7].

Enfin, rappelons surtout que « la maîtrise des parties sur l’objet et la cause de la demande emporte pour le juge interdiction de combler les insuffisances constatées » [8].


Article rédigé par Maître Yann BOISADAM, Avocat Associé



[1] Les principes directeurs du procès civil en droit comparé à l'aune de la pensée de Motulsky – Journées multilatérales de l'Association Henri Capitant.
[2] Stendhal.
[3] Le syndrome d’épuisement professionnel ou burnout. Mieux comprendre pour mieux agir (guide d’aide à la prévention établi par la DGT en y associant notamment l’INRS et l’ANACT.
[4] A. Bamdé & J. Bourdoiseau – Le droit dans tous ses états – La charge de la preuve en droit civil.
[5] Repérage et prise en charges cliniques du syndrome d’épuisement professionnel ou burnout – Recommandation de bonne pratique mis en ligne le 22 mai 2017 par l’HAS.
[6] Idem.
[7] Samuel Dock, Docteur en Psychopathologie, psychologue clinicien et écrivain.
[8] Droit et pratique de la procédure civile.

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