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Congés payés : la Cour de cassation ouvre la boîte de Pandore

Congés payés : la Cour de cassation ouvre la boîte de Pandore

Auteur : Maître Flore PATRIAT et Maître Damien DUCHET
Publié le : 28/09/2023 28 septembre sept. 09 2023

Billet, Flash, Brève, Fil infos, nombreux sont les supports de communication qui sont utilisés pour relayer les arrêts rendus par le 13 septembre 2023 par la Haute Juridiction de l’Ordre Judiciaire en matière d’acquisition de congés payés. Il faut dire que les impacts de ces décisions sont immédiats et importants.

Que dit la Cour de cassation ?


Par une série d’arrêts 1, la Chambre sociale de la Cour de cassation a, comme elle a tenu à le préciser dans un communiqué qui accompagne les décisions rendues, « mis en conformité le droit français avec le droit européen en matière de congé payé et garanti ainsi une meilleure effectivité des droits des salariés à leur congé payé ».

3 principes ont été affirmés :

1°) le salarié acquiert un droit à congé payé pendant la suspension de son contrat de travail pour maladie non-professionnelle ;

2°) en cas d’accident du travail, le calcul des droits à congé payé ne sera plus limité à la première année de l’arrêt de travail ;

3°) la prescription du droit à congé payé ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis son salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile.

Prescription, comment la gérer ?

Outre que la volonté affichée par la Chambre sociale de la Cour de cassation de vouloir garantir « une meilleure effectivité des droits des salariés à leur congé payé » questionne en ce que la Juridiction suprême sort de son rôle et omet le principe fondateur selon lequel les congés payés s’acquièrent en fonction des périodes effectivement travaillées, l’insécurité juridique engendrée par ces décisions est grande :
 
  • Incertitude pour le passé, les employeurs s’exposent à ce que des rappels d’indemnité compensatrice de congés payés soient réclamés pour une période difficilement déterminable au regard du point de départ de la période de la prescription que la Cour de cassation a voulu « glissant ».
En effet, si la prescription en matière de créance salariale est de 3 ans, la Cour de cassation considère que le délai de prescription de l’indemnité de congés payés ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé payé. A défaut, la prescription triennale lui serait inopposable, générant un risque de rappel sur une période illimitée.
  • Incertitude pour l’avenir, le salarié placé en arrêt maladie d’origine non professionnelle va-t-il acquérir un droit à congé payé sans limitation de durée ? Comment, en pratique, démontrer que le salarié a été mis en mesure d’exercer son droit à congé en temps utile ?
Les inquiétudes suscitées par ces arrêts sont réelles et nécessitent d’être appréhendées.

Comment articuler ces arrêts avec les dispositions moins favorables de conventions collectives de branche ?

Jusqu’au 13 septembre 2023, les arrêts de travail d’origine non professionnelle n’étaient pas pris en compte pour le calcul des congés payés, à défaut de dispositions plus favorables de la convention collective de branche.

En effet, certaines conventions collectives assimilent, dans certaines limites, les absences pour maladie ou accident d’origine non professionnelle à du temps de travail effectif.

Ainsi, par exemple :
  • L’article 84 de la nouvelle convention collective de la Métallurgie prévoit une proratisation des congés payés pendant une période de maladie ou d’accident en fonction de la durée de l’absence et de l’ancienneté du salarié concerné ;
  • L’article C.11 de la convention collective des Vins, cidres et jus de fruits pose une condition d’ancienneté pour assimiler une période de maladie, dans la limite de deux mois, à du temps de travail effectif pour le calcul des congés payés ;
  • L’article 24 de la convention collective du Commerce à distance prévoit que sont assimilées à du temps de travail effectif pour le calcul des congés payés les absences pour maladie sous réserve que le salarié ait totalisé au moins 2 mois de travail effectif au cours de la période de référence et ait repris le travail au moins 1 mois avant la date de départ en congés.
Ces dispositions, subordonnant la prise en compte de l’arrêt maladie à une ou plusieurs conditions (ancienneté, durée d’absence, en particulier), sont, en l’état, à écarter car moins favorables que la position dégagée par la Cour de cassation, qui ne prévoit aucune condition au droit d’acquérir des congés payés pendant une période de maladie ou d’accident de quelque nature que ce soit (professionnelle ou non professionnelle).

La vigilance impose donc de faire primer la position de la Cour de cassation sur les dispositions actuelles moins favorables des conventions collectives de branche afin d’éviter d’être exposé à un risque de rappel de salaires au titres des congés payés pour l’avenir.

Il en va de même pour des dispositions moins favorables qui seraient prévues dans un accord d’entreprise ou par usage ou engagement unilatéral de l’employeur, à l’exception de la possibilité de limiter dans le temps la durée de report des congés payés, la jurisprudence européenne renvoyant aux pratiques nationales sur ce sujet.


La boîte de Pandore a ceci de singulier que ce qui s’en échappe à plus d’importance que ce qui y demeure. Dans ses derniers vers, Hésiode nous dit que l’Esperance, seule, est restée... En quoi consisterait cette Espérance en l’occurrence ? Chacune ou chacun aura son idée. La nôtre est d’espérer une intervention du législateur pour lever toute insécurité juridique.

***

N’hésitez pas à contacter le cabinet pour analyser chaque situation et identifier les actions adéquates à prendre (audit de votre statut social, évaluation des risques, mesures correctrices, etc.).

Article corédigé par Maître Flore PATRIAT et Maître Damien DUCHET


1 Soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340, n° 22-17.342, n° 22-17.638, n° 22-10.529 et n° 22-11.106.

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