Convention de forfait en jours : le retour confirmé de la nullité et de l’insécurité
Publié le :
12/01/2023
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Par arrêt publié en date du 14 décembre 2022, la Cour de Cassation confirme vouloir renforcer le contrôle du contenu des accords collectifs, présidant à la conclusion des conventions individuelles de forfait en jours, en imposant formellement une mention relative « au suivi effectif et régulier » de la charge de travail 1 .
Dès lors, comment appréhender cette nouvelle période d’insécurité ?
1°/ Mise en perspective
a/ Le contrôle judiciaire du contenu de l’accord collectif s’est ancré dans le paysage juridique le 29 juin 2011 2 , avec la vérification que ledit accord contienne des stipulations assurant « la garantie du respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos ».
Dès lors, l’ensemble des accords collectifs existants ont fait l’objet de contrôles « formels », in abstracto, avec pour conséquence, la nullité de la convention de forfait en jours conclue en application de l’accord imparfait.
Le contentieux de la durée du travail s’est donc développé en masse et dans tous les secteurs, en ouvrant corrélativement des débats nourris sur les heures supplémentaires effectuées.
b/ Le législateur est intervenu le 8 août 2016, dans le cadre de la « loi Travail ».
L’objectif légal a été de contenir le contentieux en nullité des conventions de forfait, en permettant aux entreprises, par référence à l’article 3121-65 du Code du travail, de justifier, au-delà du contenu formel de l’accord collectif, du respect dans les faits, in concreto, du suivi de la charge de travail et des temps de repos.
Ainsi, à défaut de justifications par l’employeur et in concreto du suivi de la charge de travail, la convention de forfait était déclarée « privée d’effet » et non plus nulle, l’accord collectif n’étant plus discuté au sens strict.
2°/ Sur le retour en force de la nullité
a/ Aux termes de la décision publiée du 14 décembre 2022, la Haute Cour considère que la Convention Collective Nationale des commerces de détail non alimentaires n’institue pas « de suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable », avec pour conséquence la nullité de la convention de forfait.En l’espèce, l’accord collectif prévoyait pourtant un état des journées travaillées mensuel, remis à la hiérarchie pour validation.
En ne retenant pas comme sanction une convention privée d’effet, la Haute Cour impose donc indirectement une révision de l’accord collectif d’un point de vue formel.
b/ Dans ce contexte, il est donc nécessaire :
- de vérifier le contenu des accords collectifs d’entreprise, afin de s’interroger sur la rédaction de ces derniers, à l’aune des exigences de la Cour de Cassation ;
- in concreto, et dans la période d’insécurité présente, de continuer à invoquer les dispositions de l’article L. 3121-65 du Code du travail précité, tout en faisant évoluer, sans attendre, la pratique du suivi effectif et régulier de la charge de travail.
- un décompte du temps de travail visé de manière hebdomadaire et non pas de manière mensuelle, afin de répondre à la notion de correction par l’employeur de la charge de travail « en temps utile » ;
- un suivi de la charge de travail toujours « quantitatif » (respect des durées maximales de travail), mais aussi et surtout « qualitatif », avec vérification, par l’employeur, que les tâches confiées peuvent être effectuées :
- dans une durée raisonnable, c’est-à-dire sans impacter la vie personnelle,
- selon des moyens ou ressources suffisants,
- selon une planification maîtrisée.
Ainsi, au regard des contestations quasi-systématiques des conventions de forfait en jours, il ne peut être fait que l’invitation, aux employeurs, à définir une stratégie, tant en amont qu’en aval du contentieux, afin de gagner en sécurité juridique, jusqu’à espérons-le, une nouvelle réforme législative.
Article rédigé par Maître Olivier GELLER
1 Cass. Soc. 14 décembre 2022, n° 20-20.572 FSB (dans le prolongement des arrêts du 5 octobre 2017, n° 16-23.106, 13 octobre 2021, n° 19-20.561, 21 septembre 2022, n° 21-15.114)
2 Cass. Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107
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