De l’assurance en faute inexcusable
Auteur : Maître Olivier GELLER
Publié le :
02/05/2024
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05
2024
1°/ Par principe, chacun est responsable de sa faute sur son patrimoine personnel.
En matière de faute inexcusable, il n’en est pas autrement.
Néanmoins, la particularité du contentieux et les charges financières afférentes qui peuvent parfois être disproportionnées avec le patrimoine de l’entreprise ont conduit le législateur à autoriser l’employeur à s’assurer « contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ».
En pratique, les entreprises dont l’activité induit, malgré les mesures de prévention, des risques professionnels récurrents, sont conduites à s’assurer contre le risque que les accidents du travail et maladies professionnelles portent en germe, à savoir, un procès en responsabilité civile et en recherche d’une faute inexcusable.
2°/ Le mécanisme assurantiel demeure facultatif pour les entreprises et n’est nullement obligatoire.
Il en résulte, de fait, une disparité de situation entre les différentes entreprises, non pas nécessairement en fonction de leur taille, mais précisément en fonction des risques induits par leur activité professionnelle.
Il convient, très schématiquement, de distinguer :
- les entreprises qui souhaiteraient être assurées mais qui ne le peuvent pas : il peut s’agir de la difficulté à assurer le risque « amiante », parce qu’il génère pour les compagnies d’assurance les charges financières parmi les plus lourdes, et ce, possiblement sur plusieurs années, notamment dans l’hypothèse de rentes d’ayants-droits ;
- les entreprises qui ne s’assurent pas, car leur activité n’expose que sporadiquement à un risque professionnel et à une faute inexcusable, mais dont les conséquences, à charge directe, seront toujours aussi impactantes ;
- les entreprises qui ne s’assurent pas, car leur activité n’expose à aucun risque professionnel habituel, mais qui, notamment dans le secteur tertiaire, se trouvent confrontées à des situations de risques dits « hors tableau », c’est-à-dire les souffrances morales au travail, comme le syndrome d’épuisement professionnel, les situations de harcèlement ou de suicide.
3°/ Que les entreprises soient assurées ou non contre la faute inexcusable, il demeure un dénominateur commun, à savoir qu’un fait juridique unique peut générer un triple contentieux, transversal et interactif.
En effet, nombre de sociétés sont confrontées aujourd’hui au triptyque suivant :
- contentieux prud’homal : dans le cadre du contrat de travail, le salarié se portera en arrêt maladie puis sera licencié pour inaptitude ; sera en réalité discutée une faute contractuelle antérieure ayant provoqué cette inaptitude (manquement à l’obligation de sécurité / harcèlement moral) ;
- contentieux sécurité sociale :
a/ une demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle hors tableau, sera initiée par-devant la Caisse Primaire, avec pour corollaire une meilleure indemnisation en droit de la sécurité sociale et également la perception d’indemnités majorées en droit du travail ;
b/ recherche d’une faute inexcusable : la maladie professionnelle est survenue en raison de l’absence de mesures prises pour éviter le risque qui s’est donc réalisé ; la reconnaissance de la faute inexcusable sera invoquée dans le contentieux prud’homal, in fine ;
- contentieux pénal : les manquements à la sécurité et/ou le harcèlement sont également constitutifs d’une infraction pénale, la personne morale et/ou la personne physique étant dès lors mise en cause ; une condamnation pénale lie, en principe, le Juge civil.
Aussi, d’un point de vue pragmatique, il demeure dans les intérêts des entreprises de pouvoir piloter ce triple contentieux « en amont et en hauteur », puisqu’il n’est pas possible légalement de s’assurer contre le risque prud’homal et le risque pénal.
Naturellement, c’est par une collaboration également étroite avec les compagnies d’assurance que cette triple défense peut être menée de manière pertinente et efficace.
Article rédigé par Maître Olivier GELLER, Avocat Associé
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